L'histoire de la salsa en tant que style musical.
Définir la salsa peut vite aboutir à un résultat réducteur ou erroné. Une vision assez juste, dans un premier temps, serait de dire que la salsa est une forme de musique et de danse d'origine cubaine, née à New York et façonnée par les Portoricains. En effet, l'histoire de la salsa se joue entre Cuba, Porto Rico et New York. C'est à la fois une histoire de peuples, d'immigration, de politique, de conditions sociales, d'hommes et d’intérêts économiques... d'où une certaine complexité.
Dès le début du XVI siècle, Cuba est un chaudron culturel qui voit se fondre les rythmes espagnols, français et africains en des genres musicaux nouveaux (voir l'historique de la rumba). Au début des années 1920, le danzon, genre musical très populaire à Cuba issu de la contredanse (fin du XVIIIe siècle) voit arriver à la Havane un nouveau genre musical afro-hispanique, apparu à Orente (partie orientale et rurale de Cuba) à la fin du XIXe siècle : le "son". Les instruments utilisés pour le jouer étant peu onéreux (en comparaison des orchestres de danzon), les musiciens l'adoptent avec enthousiasme. D'abord considéré comme vulgaire, il conquiert rapidement un large public à Cuba puis à l'étranger, porté dans les années ’30 par les maisons de disques américaines.
Parallèlement, de nombreux Portoricains et Cubains immigrent à New York, créant ainsi une importante communauté latino.
En 1935, les frères cubains Orestes et Cachao Lopez, soucieux de moderniser le danzon, introduisent dans la structure du morceau un court passage consistant en rifs soutenus par la cloche : le mambo.
De nombreux compositeurs s'inspirent de ce nuevo ritmo, mais ce n'est qu'au début des années 1950 que Perez Prado élabore le mambo comme genre musical distinct, employant des éléments de jazz et de variétés dans ses compositions : la fièvre du mambo est née.
C'est aussi à cette époque qu'apparaît le cha-cha (voir l'historique du cha-cha)
En 1959, la révolution castriste marque un tournant important dans l'histoire des musiques latino-américaines : exil de nombreux artistes cubains aux États-Unis, à Porto Rico et dans une moindre mesure en Europe, rupture des échanges entre les États-Unis et Cuba. Dès lors, les évolutions de la musique cubaine restent confinées au sein de l'île et il faudra attendre le boom commercial des années 1990 pour que le monde découvre ou redécouvre la musique cubaine. Cela se fera du côté des musiques traditionnelles, notamment le "son" et le boléro, au travers d'interprètes cubains âgés tels que Compay Secundo, Ibrahim Ferrer, Ruben Gonzales..., supers médiatisés par le fameux Buena Vista Social Club (1996) qui dépassera le million d'unités vendues dans le monde.
À New York, La salsa apparait lors des jam-sessions (grandes rencontres musicales entre les musiciens vedettes de l'époque) organisées au milieu des années ’60 par l'hégémonique label Fania. L'ossature de la salsa est cubaine, mais son public et ses interprètes sont en majorité portoricains.
Cette mixture diabolique, portée par la Fania, va faire des millions d'adeptes convertis lors des grandes messes que sont les shows de la Fania All Stars, réunissant parfois sur scène plus de trente vedettes. Elle posera pied dans toute l'Amérique latine, l'Afrique, l'Europe et le Japon !
Actuellement, la salsa connaît un vif intérêt dans le monde entier.
Quelle est l'origine des figures de la salsa cubaine ?
Le livre de Barbara Balbuena, "El casino y la salsa en Cuba"(1), fournit une réponse précise :
C'est la rueda de casino, née dans les années ’50, qui est à l'origine du style de la salsa cubaine. Bien sûr à l'époque, le mot « salsa » n'existait pas encore (puisqu'il date de la fin des années ’60). La première apparition de la rueda ou de la danse du casino cubain est liée au cha-cha. Les figures sont ensuite réalisées avec les autres musiques cubaines et notamment le "son", ancêtre de la salsa.
À la fin des années 1950, les ruedas (roues) apparaissent comme une nouvelle variante dans le cha-cha, et la population cubaine les nomment " cha-cha en rueda ". Elles étaient dirigées par un homme connu pour son adresse dans la danse, au moyen d'un signal, préalablement connu des danseurs, à la suite duquel ils effectuaient des changements de partenaire, des combinaisons de passes et d'autres figures inventées à cette fin. Parmi les figures traditionnelles du cha-cha, on note la " vuelta al hombro " (tour à l'épaule), tour de la fille autour de l'homme et le paseo (promenade).
L'invention des figures de danse a lieu dans des casinos de la Havane comme le Club Casino Deportivo (2), aujourd'hui Cercle Social Ouvrier Cristino Naranjo.
La rueda de cha-cha constitue un apport chorégraphique enrichissant et révolutionnaire dans la danse cubaine. Autour de l'année 1956, ce phénomène du cercle de couples commence à être reproduit avec un pas et un style très proche du " son " urbain, mais alors pour l'accompagnement d'autres styles à la mode de la musique populaire.
Cette création plaît à la jeunesse de l'époque et est imitée par les danseurs dans d'autres clubs nautiques du quartier Playa, et plus tard dans d'autres sociétés de la capitale cubaine. Dans ce processus dynamique, on commence à diffuser la phrase "allons faire la rueda comme dans le casino" ou "allons faire la rueda du casino" ; il en restera par réduction l'appellation de "casino", par laquelle on identifiera plus tard le nouveau style de danse.
Le rock ’n roll, à la mode dans les années ’50, laisse aussi des traces dans le casino. Cette forme de danse, avec son style spectaculaire caractéristique, a une grande quantité d'éléments acrobatiques et de passes de couples.
Les facteurs qui ont influencé l'apogée du casino, à Cuba et à l'extérieur de l'île, sont nombreux mais, parmi les plus importants, figure la dimension qu'a prise la musique salsa dans le cadre international. Identifié comme "danse de salsa cubaine", le casino est le moyen approprié pour vivre cette manière d'interpréter la musique.
1. Barbara Balbuena. El Casino Y La Salsa en Cuba, 2004.
2.Il s'agissait d'un "club de Blancs", à une époque de ségrégation où l'on distinguait à Cuba les clubs de Blancs, de Noirs et de Métis.